Portrait : Rose Naggar-Tremblay

Actualités lyriques

Par

23 avril 2020

ROSE NAGGAR-TREMBLAY, MEZZO-SOPRANO
Atelier 2017-2020

Texte : Véronique Gauthier
Photos : Marianne Charland

Artiste curieuse, créative et sensible, Rose termine présentement la troisième année de son cheminement à l’Atelier lyrique. Quel bilan cette grande jeune femme fait-elle de son parcours? « J’étais venue y chercher le sceau d’approbation d’une institution majeure de l’art lyrique. J’y ai trouvé une famille, beaucoup de bienveillance, des questions difficiles, du temps pour y répondre et surtout, ma propre émancipation artistique. »
 

Montréalaise d’origine, la mezzo-soprano porte un bagage multiculturel impressionnant. Sa mère est native d’Égypte, sa grand-mère paternelle est française, et son père s’est promené entre l’Allemagne et les États-Unis avant d’atterrir au Québec. « Un thème qui est récurrent, autant du côté de ma mère que de mon père, c’est la notion d’itinérance. J’ai toujours eu cet appel au voyage, et je pense que ça a beaucoup joué dans ma décision de devenir chanteuse lyrique. » Rien d’étonnant à ce que celle qui a grandi les oreilles bercées par l’arabe et l’allemand ait développé un amour et une fascination pour l’apprentissage des langues !
 

UNE PREMIÈRE ANNÉE DÉSTABILISANTE

À l’instar de plusieurs chanteurs lyriques qu’elle admire, Rose fait son entrée à l’Atelier en 2017 avec un énorme besoin de validation extérieure. « Pour moi, la carrière se faisait en faisant plaisir à la bonne personne qui allait te pousser plus loin. » Mais rapidement, elle se retrouve confrontée à la diversité de commentaires et d’avis fusant de toutes parts. « Tu reçois un feedback une semaine, la semaine suivante on t’en donne un complètement différent. Je me sentais tirée dans toutes les directions. Et comme je suis curieuse, si quelqu’un me dit on va par là, je suis partante ! Quand je suis sortie de ma première année, je n’avais plus aucune idée de c’était quoi mon centre. »
 

C’est au cours de cette période houleuse qu’elle fait la rencontre déterminante de Pierre Vachon, initiateur des projets pédagogiques et communautaires coOpéra et Yo’péra, devenu ET à l’opéra. « Mes premières expériences avec eux, ça a été de chanter devant les enfants. Quand tu te retrouves devant eux, t’es ramenée à l’essentiel. Ils réagissent à la sincérité, ils savent si tu chantes avec ta vraie voix ou si c’est fabriqué. Ça a été le premier rappel de « Heille, tu sais-tu t’es qui ? Parce que pour les enfants c’est pas clair, facque je pense que pour toi non plus, c’est pas clair. »
 

À la fin de sa première année, Pierre Vachon offre à Rose la chance inouïe de toucher à la pédagogie. Il lui confie la responsabilité de monter une formation d’écriture pour des jeunes aux prises avec des problèmes de santé mentale. Au même moment, Rose commence à suivre des cours de chant avec Ariane Girard qui l’aide à retrouver un équilibre vocal. « J’étais au bout d’une déconstruction, et je rencontre à la fois Pierre et Ariane. T’aurais pas pu écrire l’histoire mieux que ça ! »
 

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EXPLORER POUR SE RECONSTRUIRE

Si la deuxième année à l’Atelier sert habituellement à promouvoir l’artiste, lui faire passer des auditions et le mettre de l’avant, pour Rose, ce fut une année d’exploration et d’affirmation de soi. « J’avais la bonne équipe autour de moi pour me tenir, mais j’étais encore super fragile. Je n’étais pas la personne rayonnante que je savais pouvoir être. »
 

Dans ce chemin vers la redécouverte de soi, les ateliers qu’elle donne avec le projet Yo’péra sont une révélation. « Enseigner m’a forcée à me positionner et à comprendre exactement ce que je porte, ce que je peux transmettre. Ça a été tellement thérapeutique comme processus!  Et ça m’a permis de renouer avec l’écriture et le travail d’équipe. »
 

Comme tout est dans tout, c’est également dans le cadre de Yo’péra qu’elle fait la connaissance du compositeur Éric Champagne, qui met en musique un de ses poèmes. L’étincelle s’allume. « J’ai compris que je voulais mettre plus d’énergie dans mon écriture. J’ai recommencé à travailler avec un band, je me suis donné des défis, j’ai renoué avec ce qui fait mon unicité. » L’Atelier encourage son intérêt pour la création et lui confie l’écriture d’un spectacle pour enfants.
 

C’est aussi en deuxième année, par une forte synchronicité, qu’elle incarne sur scène l’écrivaine Gertrude Stein dans l’opéra Twenty-Seven. « C’est fou, parfois il suffit d’un symbole, que tu sois spirituelle ou non… Stein est connue pour sa phrase A rose is a rose is a rose is a rose. Pis moi, je me demandais Which Rose am I ? C’était ça, mon processus de l’année. En plus, je venais d’avoir 27 ans quand je jouais dans Twenty-Seven. C’était tout aligné ! »

 
UN CADEAU INESTIMABLE

À la suite de ces deux années, l’Atelier offre à Rose une opportunité inespérée. « J’avais dit à Chantal [Lambert] que ça m’aiderait d’avoir une troisième année, mais c’était impossible, et je le respectais totalement. J’en avais fait mon deuil, mais je pense que ça a continué de trotter dans la tête de Chantal. Toute l’équipe est très consciente de notre évolution, d’où on est rendu. » Le budget nécessaire pour lui offrir 11 semaines supplémentaires à l’Atelier l’année suivante est débloqué. Un véritable cadeau pour Rose, qui décide de voler de ses propres ailes pendant l’automne pour revenir en janvier, forte de son expérience en toute autonomie. « Je saisis l’immense générosité de ce geste-là. Ce ne sont pas tous les programmes qui ont cette bienveillance envers leurs protégés. Ils ont vraiment à cœur que l’humain sorte du programme plus fort qu’il ne l’était en entrant. Pas juste le chanteur. »

 
RÉCONCILIER L'INTERPRÈTE ET LA CRÉATRICE

C’est en cherchant un projet spécial sur lequel plancher à son retour à l’Atelier que l’idée d’un cycle créé en collaboration avec Éric Champagne a émergé. « C’était le challenge de dire, comment je peux être une auteure-compositrice-interprète qui chante de l’opéra ? Je trouvais que Healing, le cycle de poèmes que j’ai écrit, se prêtait à ça. » Elle propose au compositeur de travailler en équipe sur la musique, ce qui n’est pas pratique courante en classique. « Depuis que je suis dans le projet avec Éric, j’ai des ailes ! Je suis devenue auteure-compositrice-interprète lyrique ! » Les poèmes composant le cycle sont remplis de morceaux d’histoire témoignant de son cheminement des dernières années et touchant son rapport à la musique qui a dû se redéfinir au fil du temps. « J’ai grandi beaucoup, le processus de guérison n’est pas terminé, mais je suis beaucoup plus en paix maintenant. »

 

PARÉE POUR DE GRANDS DÉFIS

Forte de son cheminement à l’Atelier, l’artiste aux multiples talents laisse désormais cohabiter ses élans créatifs et son travail d’interprète. Ses projets rassemblent tous les morceaux nécessaires pour que l’artiste complète et entière qu’elle est puisse s’épanouir. « J’ai besoin d’être dans la pédagogie et d’avoir des équipes créatives autour de moi. J’investis beaucoup dans mon band, j’enseigne, j’écris un livret d’opéra et je veux faire une carrière lyrique. J’ai autant d’ambition qu’avant, sinon plus ! Et je me sens aujourd’hui forte et outillée pour une vie remplie d’aventures, à la hauteur de mes passions. »
 


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