Sur les traces de Figaro - Journal d'un comédien

Actualités lyriques

Par Communications et marketing

08 octobre 2024

Texte : Antoine Hatem

Photos : Vivien Gaumand (couverture) et Antoine Hatem (répétitions)

Bonjour Séville! – 4 septembre 2024

À 10h tapantes, nous arrivons à la première répétition du Barbier de Séville pour les 3èmes rôles. Il y a beaucoup de nouveaux visages, nous formons une équipe de 10 personnes. Ce sera un plaisir de découvrir et de tomber sous le charme de tous ces talents dans les jours à venir. Notre collègue Thomas Lussier sera notre metteur en scène par intérim pour cette séance et la suivante. On nous explique l’importance d’être un groupe bien rodé et soudé pour nos débuts avec les principaux (c’est comme ça qu’on appelle les solistes!). Notre présence a pour but de remplir l’espace scénique et de soutenir l’action des personnages principaux. Plus nous maîtriserons l’environnement dans lequel nous évoluons, plus le spectacle et les répétitions en bénéficieront. Mais le temps presse! Nous prenons donc de l’avance sur les grands numéros, en commençant par l’intro (Le garde et l’ivrogne), puis le célèbre air de Figaro, Largo al Factotum. On progresse efficacement, le cœur léger.

Bonsoir Séville! – 10 septembre 2024

Il est 19 h, tout le monde signe la feuille d’appel en arrivant et se place à son poste. L’excitation est palpable. C’est aujourd’hui que nous rencontrons notre metteur en scène, Joan Font, et notre chorégraphe, Xevi Dorca, pour la première fois. Nous avons un moment privilégié avec eux. Joan Font est fondamentalement gentil, ingénieux et débordant d’énergie. Il a le cœur à l’humour et il a, à mon avis, une immense expérience théâtrale à partager : un vrai maître du masque et du théâtre physique, inspiré de la commedia dell’arte. Xevi Dorca quant à lui, à la prestance d’un chorégraphe, il est méticuleux et bienveillant. Ils travaillent étroitement avec chacun de nous. Aujourd’hui, nous nous concentrons sur le premier acte. Chaque détail est important et les prochaines semaines dans les sous-sols de la Place des Arts s’annoncent prometteuses.

Bon dia Sevilla! – 11 septembre 2024

10h : Bon début de journée! « C’est la fête de la Catalogne », nous fait remarquer Joan en entrant dans la salle avec un « Feliç diada de Catalunya! » retentissant. Aujourd’hui, nous poursuivons le travail sur le premier acte. Le chef d’orchestre Pedro Halffter rejoint l’équipe de création, et nous le rencontrons pour la première fois. Après de chaleureuses présentations, nous entamons la première semaine de répétition avec piano. C’est une production haute en couleur, parsemée de tableaux vivants avec une nette influence catalane. Nous découvrons le plaisir de travailler en tandem avec la musique et de laisser libre cours à notre intuition pour suivre sa cadence. Nous rencontrons également pour la première fois les principaux, présents à l’autre bout de la salle, qui nous observent. Ces grands talents de l’opéra nous éblouissent tout en préservant leur énergie pour les représentations. Mikelis Rogers (Fiorello) ouvre le bal avec sa voix puissante; Alasdair Kent (Almaviva) nous épate par sa virtuosité dans les aigus; Pascale Spinney (Rosina) déborde d’énergie et d’inventivité; Hugo Laporte (Figaro) et Omar Montanari (Bartolo), deux maîtres de la scène, nous font bien rire; Gianluca Margheri (Basilio) athlète au grand cœur, apporte une présence rassurante. Tous s’amusent à apprivoiser leurs personnages. On entrevoit quelques nouveaux éléments du décor. C’est excitant! Les tableaux prennent vie sous nos yeux et nous gagnons en confiance dans nos rôles de soutien.

Bon samedi Séville! – 14 septembre 2024

Le premier acte progresse très bien. Nous prenons un moment pour corriger et affiner quelques détails qui aideront à cristalliser les nombreuses petites histoires qui transporteront les spectateurs au cœur de Séville. Joan nous rappelle que les regards sont très importants : « dans la commedia dell’arte, il faut regarder avec le nez et écouter avec le cœur », nous dit-il. Nous formons déjà une grande équipe soudée, travaillant ensemble en harmonie. Chacun prend ses responsabilités très au sérieux, avec un brin de magie et de rire. Travailler aux côtés de chanteurs de si haut niveau est une véritable source d’inspiration. Nous levons nos verres pour célébrer une première semaine de répétitions accomplie et un spectacle qui prend forme rapidement.

Une deuxième semaine à Séville – 16 septembre

C’est une grosse journée de travail entre les comédiens et les metteurs en scènes. On prépare les changements et les transitions. La majorité des changements de décors se font à rideau ouvert, devant le public. Il est donc essentiel d’être efficaces et dynamiques dans les transformations d’un décor à l’autre. Tout se doit d’être précis et, en apparence, sans effort.

Ça chante à Séville – 17 septembre

Première répétition avec l’ensemble du chœur de l’Opéra de Montréal et les solistes. Nous sommes nombreux en salle, c’est le fun! Nous enchaînons la finale du première acte et celle du deuxième acte, deux gros numéros. Nous maîtrisons mieux les rythmes et les chorégraphies, nous nous permettons quelques libertés, des risques calculés. Le travail est minutieux et requiert beaucoup de concentration.

J’entends ta guitare, Séville ! – 19 septembre 2024

Il est très rare qu’un musicien se retrouve SUR la scène d’un opéra, plutôt que dans la fosse d’orchestre, pour jouer son instrument. Nous avons la chance d’avoir un guitariste dans cette production, et aujourd’hui, c’est sa première répétition avec nous. Il est très talentueux, et termine son numéro sous une salve d’applaudissements. Nous réalisons un premier enchaînement complet de l’opéra, du début à la fin : c’est exaltant! Tous les acteurs et chanteurs s’abandonnent à leurs personnages et trouvent leur voix. Joan est satisfait de ce premier runthrough et nous rassure : tout est maintenant en place, il ne reste plus qu’à consolider ces bases.

Chère Séville, - 20 septembre 2024

Aujourd’hui, nous suivons les conseils de Joan et Xevi et nous nous abandonnons au jeu. Toute l’équipe de création est présente, y compris le directeur artistique de l’Opéra de Montréal. La concentration est à son comble. Nous constatons rapidement que le premier acte est solide donc nous nous concentrons sur les finitions et sur quelques détails cruciaux du deuxième acte. En comédie, l’exécution et le rythme sont essentiels pour faire vivre l’histoire, nous devons donc être efficaces et précis. C’est aussi la dernière fois que nous répétons en salle E de la Place des arts. Dès demain : on rentre en salle!

Jour de pianotech à Séville ! – 21 septembre 2024

On rentre enfin en salle! Ce soir, rendez-vous sur la scène de Wilfrid-Pelletier, un théâtre de près de 3000 places. Nous enfilons nos costumes pour la première fois depuis les essayages. Tout le monde est élégant et fébrile, les costumes sont magnifiques et colorés. Certains fouleront les planches de Wilfrid-Pelletier pour la première fois, c'est un souvenir impérissable. Les costumes exigent quelques ajustements au niveau du jeu et des changements rapides. Nous devrons repenser certaines approches et développer de nouvelles stratégies. Mais tout roule, et nous avons une splendide première partie du Barbier de Séville. Me voici dans mon costume! 

Pianotech no.2 à Séville – 23 septembre 2024

Aujourd’hui, la priorité est le deuxième acte. C’est aussi la dernière répétition avec notre cher Xevi Dorca qui doit quitter en direction de Houston pour un prochain projet. Il a travaillé si étroitement avec nous, et nous sommes fiers de ce que nous avons créé ensemble. Il va nous manquer, il faudra lui faire honneur dans les prochains jours. Il reste encore beaucoup de préparatifs avant le premier lever de rideau. Je me sens très chanceux que le Barbier de Séville soit ma première production d’opéra. Cette comédie haute en couleur et en rires exige une agilité qui nous garde constamment en haleine. Difficile de croire que dans quelques jours à peine, nous accueillerons le public!

Wandelprobe – 24 septembre 2024

Première répétition avec orchestre! Jusqu’à maintenant, toutes nos répétitions se faisaient avec piano. C’est donc la première fois que nous entendons les airs du Barbier de Séville avec toute la puissance de l’Orchestre métropolitain. C’est magique! Il n’y a pas de meilleur sentiment que d’être sur scène, porté par la musique de Rossini. Vous me direz que je suis biaisé, mais c'est un très bon spectacle, un mariage de disciplines brillant, coloré et imaginatif. J'ai hâte de le dévoiler au grand public.

Générale – 26 septembre 2024

Ça y est, nous y sommes. Ce soir, c’est l’ultime test devant public! La générale est en quelque sorte une première représentation. C'est une occasion unique de s'approprier les personnages et les décors, et de s’habituer à la salle. Cette production rassemble de nombreux artistes et artisans, ce qui rend les coulisses très animées. Ai-je mentionné que la générale se fait devant un public de 500 jeunes élèves d’écoles montréalaises? Ils sont généreux et enthousiastes, on se sent comme des rockstars acclamés par leurs fans. Leurs cris et applaudissements sont chaleureux et authentiques. Nous leurs sommes reconnaissants, leur énergie est contagieuse et nous porte joyeusement vers la grande première. Toï toï toï à toutes et à tous! 

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