Le Barbier de Séville dans l'oeil fantaisiste de Joan Font

Actualités lyriques

Par Communications et marketing

24 septembre 2024

Texte : Véronique Gauthier

Photos : Michael Cooper (couverture) et Thibault Carron (répétitions)

La salle Wilfrid-Pelletier se souvient encore des couleurs et de l’enchantement qui ont habillé ses planches lors de la production de La Cenerentola de Rossini présentée en 2017. En accueillant le Barbier de Séville du même compositeur, elle s’apprête à présenter au public de l’Opéra de Montréal une autre fantaisie signée Joan Font, metteur en scène passé maître dans l’art de l’émerveillement. Ouvrez grand vos oreilles, vos yeux et votre cœur!

La résistance par le plaisir

Natif d’une petite ville en Catalogne, Joan Font baigne dans l’art et le théâtre dès son plus jeune âge. «J’étais déjà sur les planches dans le ventre de ma mère!» Sa famille, adepte de fêtes, de théâtre populaire et de musique, est de toutes les célébrations culturelles et cultive l’art du bonheur. C’est dans ce terreau fertile que l’artiste fonde la troupe Els Comediants, avec laquelle il tourne depuis maintenant 50 ans sur les cinq continents et prend part aux plus importants événements, du Festival d’Avignon à l’exposition universelle de Shanghai en passant par les Jeux olympiques de Barcelone, dont le metteur en scène a l’honneur de diriger la cérémonie de clôture.

Fondée pendant le régime franquiste, la troupe se distingue par des spectacles hauts en couleur arborant une impressionnante dimension visuelle, un langage théâtral authentique et unique… et l’occupation qu’elle fait de la rue. «L’art est politique. J’allais au commissariat de police tous les jours», se souvient l’artiste. «On offrait au public un théâtre alternatif où le plaisir était au cœur de nos spectacles. On se laissait emporter à l’extérieur des murs et le public a commencé à défendre cet espace de la rue avec nous.»

Encore aujourd’hui, Joan Font se tient debout pour ses convictions et revendique un art populaire et festif, où le rire et l’émerveillement sont au rendez-vous, sur scène comme dans la salle.

Du théâtre de rue à l'opéra

C’est dans ce même esprit que le prolifique artiste aborde l’opéra, où il accorde une place importante à la comédie. « Rire, c’est très bon pour l’humanité! », affirme-t-il. Après avoir mis en scène La Flûte enchantée en 1999, il se penche sur Rossini en montant un triptyque dont font partie les opéras La Cenerentola et Le Barbier de Séville. Ne vous étonnez donc pas de retrouver dans les deux œuvres le même sens de l’esthétisme qui emprunte aux couleurs méditerranéennes. « Les gens qui ont vu La Cenerentola ne seront pas dépaysés! C’est comme un peintre qui a son style et qu’on reconnaît d’un tableau à l’autre. »

Dans le Barbier de Séville, la démarche du metteur en scène demeure très théâtrale. « Avec Joan Guillen [qui signe la scénographie et les costumes], on a mis des heures à discuter de chacun des personnages et à leur dessiner des masques. Ces masques ne se retrouvent pas sur scène, mais on a montré les dessins aux artistes pour leur exposer notre vision de leur personnage. » Dans une démarche d’art populaire, certains traits des personnages sont grossis et mis en relief, dans lesquels le public prend plaisir à se reconnaître. Un peu à l’image des miroirs déformants qui nous renverraient un reflet de nous-mêmes.

Le jeu exigé de la part des chanteurs et des chanteuses est très physique, chaque regard et chaque action revêtant son importance. « C’est un spectacle qui est presque comme une danse. Tout le monde y est très actif et chaque détail vient s’articuler autour de la musique, qui demeure le fil conducteur du récit. »

Symbolisme et surréalisme

L’histoire se déroulant dans le sud de l’Espagne, la singularité de la culture de cette région est une grande source d’inspiration pour le créateur. « Il se dégage du sud de l’Espagne quelque chose de très surréaliste avec la chaleur qu'il y fait et le rythme auquel le temps passe. »

Si l’histoire narrée demeure bien concrète, tout ce qui tourne autour, autant au niveau de la forme, de la scénographie que de la façon dont la scène est exploitée, relève du rêve et du surréalisme. Tout au long de l’opéra, le metteur en scène joue avec les proportions et l’exploitation de divers éléments, par exemple une clé, une chaise ou une lettre. « Un genre de déformation de la réalité qui permet de souligner une symbolique, comme le pouvoir ou la liberté. Je m’amuse beaucoup avec les symboles. »

Place à l'émerveillement

L’esprit de camaraderie contagieux se dégageant de la scène n’est pas feint, car pour Joan Font, le plaisir doit d’abord occuper la scène pour pouvoir se rendre au cœur du public. « Le plus important, c’est le spectacle, mais avant le spectacle, ce sont les gens. Tout le monde doit être heureux d’être là, car si nous n’avons pas de plaisir, il est impossible d’en donner! »

Ne vous étonnez pas si vous laissez échapper quelques « oh! » et quelques « ah! » en découvrant le tableau qui prendra forme sous vos yeux pendant la représentation. Dans un moment où l’humanité est fragilisée, il fait bon s’extasier et s’esclaffer et le metteur en scène s’en fait une mission. « On retrouve dans le spectacle tout le plaisir des sens, de la musique, de la voix, mais aussi de la beauté, de l’émotion, des couleurs, du « wow ». Une des choses que j’aimerais que le public retienne en sortant de la salle, c’est qu’ils ont ri de bon cœur! »

Pour prendre part à la fête, procurez-vous vos billets ici!

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