Portrait Kirsten LeBlanc, soprano

Mode de vie

Par

06 septembre 2022

Kirsten LeBlanc, soprano
Atelier lyrique 2019-2022

Texte : Véronique Gauthier

Photos : Marianne Charland

Après des études en musique à l’Université McGill ainsi qu’à l’Université de Montréal, la soprano néobrunswickoise Kirsten LeBlanc fait son entrée à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal en septembre 2019. Trois ans plus tard, c’est une chanteuse et une artiste épanouie qui en sort, prête à faire le grand saut dans le monde professionnel. Retour sur un parcours tout sauf linéaire!

Du terrain de basketball à la scène

Plus jeune, rien ne prédestine Kirsten à une carrière lyrique, bien au contraire. « J’ai grandi dans un univers qui n’avait aucun lien avec la musique », raconte la jeune fille. « J’étais un vrai tomboy et je faisais beaucoup de sport. Dans ma famille, il y a beaucoup d’ingénieurs, de scientifiques, d’entrepreneurs. Personne ne fait de musique. »

Comment en vient-elle alors à entrer en contact avec le monde des arts? Timidement, par la porte d’en arrière. Impliquée dans des comédies musicales au secondaire, elle y tient d’abord le rôle d’assistante à la mise en scène, avant de s’approcher lentement mais sûrement des feux de la rampe. « Je suis d’abord devenue choriste, puis j’ai décidé que je voulais être soliste et j’ai demandé à ma mère de suivre des cours de chant. Ç’a été toute une surprise pour elle! »

Troquer la stabilité pour la passion

Une fois le secondaire terminé, Kirsten s’inscrit à l’université en biologie, tout en poursuivant ses cours de chant en parallèle. Vivre dans la sécurité et la stabilité en embrassant une carrière de pharmacienne, voilà son plan. « À cette époque, chanter était un passe-temps, je ne pouvais pas imaginer en faire une carrière. Mais une fois arrivée à mi-chemin dans mon baccalauréat, j’ai réalisé que même si j’étais bonne en sciences, je n’aimais pas vraiment ça. » Sa professeure de chant de l’époque enseignant à l’université, elle l’encourage à auditionner. « J’ai été acceptée, et j’ai complété mes deux baccalauréats en parallèle, en sciences et en musique. Je ne le recommanderais pas particulièrement! », affirme-t-elle en riant.

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Chercher (et trouver) sa voix à Montréal

Diplômes en main, la soprano quitte son Nouveau-Brunswick natal pour s’installer à Montréal, où elle complète une maîtrise en chant et un diplôme d’artiste à l’Université McGill, puis un doctorat à l’Université de Montréal. « La première fois que je suis venue ici, j’ai tout de suite aimé la ville », se souvient-elle. « Chaque quartier est unique, le centre-ville est vivant, le Vieux-Port me rappelle l’Europe… J’aime découvrir chaque coin et je me sens bien ici. »

Tout au long de son parcours scolaire, elle explore donc sa ville d’adoption… et sa voix. « Ça n’a pas toujours été facile. Je me suis beaucoup cherchée, ma voix a eu besoin de temps pour se trouver. Tous les professeurs que j’ai eus m’ont envoyée dans des directions différentes. C’est seulement quand je suis arrivée à l’Atelier et que j’ai travaillé avec Ariane [Girard] que c’est devenu clair. »

Sa nouvelle professeure de chant l’oriente vers un répertoire qu’elle n’aurait jamais imaginé interpréter jusqu’alors. « J’ai longtemps travaillé du répertoire plus léger, et c’était déstabilisant d’entendre des mots comme Verdi et Wagner sortir de sa bouche. Je n’en suis pas nécessairement encore là, mais c’est vers ça que je me dirige. Les airs qu’elle me propose concordent parfaitement avec ma voix. C’est comme une évidence. »

Faire son propre chemin

Lorsqu’elle fait son entrée à l’Atelier lyrique, Kirsten est âgée de 29 ans. S’il n’existe pas un seul modèle de parcours menant à une carrière lyrique, la soprano doit tout de même faire la paix avec le sien.

« On a souvent en tête les jeunes et belles sopranos qui commencent leur carrière au début ou à la mi-vingtaine. Mais j’ai compris que ces personnes sont les exceptions, pas la règle. Ma route a été différente. Ma voix est plus grosse, elle a besoin de plus de temps pour se développer, et c’est correct aussi. Je crois que c’est la plus grande chose que j’ai apprise avec Ariane. La patience. En prenant le temps dont on a besoin, on se rend là où on doit aller. »

L’Atelier lyrique : la transition idéale vers le monde professionnel

Pour passer d’élève modèle qui veut plaire et récolter de bonnes notes à chanteuse professionnelle autonome, l’Atelier lyrique offre à Kirsten l’expérience transitoire parfaite. « Quand je suis arrivée ici, Marie-Eve Scarfone, qui était alors chef de chant principale, m’a dit “mon objectif avec toi, c’est que tu arrêtes d’être une étudiante et que tu commences à être une artiste”. Quand tu es à l’école, ton but est de réussir, pas de créer quelque chose. Ici, j’ai exploré ce que j’avais à dire et pourquoi je voulais chanter. »

À travers le cadre bienveillant de l’Atelier lyrique, la soprano fait l’apprentissage de qui elle est, en tant que chanteuse, oui, mais aussi en tant qu’être humain et artiste. « On ne travaille pas seulement la technique, c’est très complet. En arrivant ici, je m’attendais à ce que l’accent soit mis principalement sur la performance et l’expérience scénique. C’est important, évidemment, mais j’ai été surprise par toute la place qu’occupe le travail d’introspection. »

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Des expériences scéniques et vocales mémorables

Le passage à l’Atelier de Kirsten est marqué par la pandémie de COVID-19, qui bouleverse tous les plans du milieu artistique. Elle se retrouve donc au printemps 2022 à clore son parcours avec la production de La Flûte enchantée de Mozart, dans laquelle elle interprète la 2e Dame, initialement prévue lors de sa première année comme résidente et qui a dû être reportée deux fois.

« C’était surréaliste! J’ai retrouvé sur scène des gens qui étaient à l’Atelier avec moi à mon arrivée, c’était génial de chanter avec eux à nouveau. Un peu comme si les deux dernières années n’avaient pas eu lieu! En même temps, je n’aurais certainement pas chanté mon rôle de la même façon il y a deux ans. Je suis beaucoup plus confortable dans mon registre médium maintenant. »

Apprivoiser l’inconfort

Découvrir que nos limites sont beaucoup moins importantes qu’on le croyait permet de gagner en confiance et en assurance. Pour Kirsten, la révélation se produit lors du concert Enfers des lumières, présenté en collaboration avec l’Orchestre de l’Agora, dans lequel la soprano se frotte à un répertoire qui l’insécurise, le baroque français.

« J’étais certaine que je n’allais pas être capable de le faire », se souvient la soprano. « Finalement, non seulement je pouvais le faire, mais j’y ai pris du plaisir! Je me suis aperçue que j’avais beaucoup grandi en tant qu’artiste, que j’étais devenue plus autonome et que j’avais développé de bons outils. Ça a été un moment significatif pour moi. »

Boucler la boucle avec Il Trovatore

Cet automne, Kirsten ne s’éloignera pas trop de la grande scène montréalaise, puisqu’elle fait partie de la distribution de l’opéra Il Trovatore de Verdi. « Ma première expérience à mon arrivée à l’Atelier a été d’être la doublure de Nicole Car dans Eugène Onéguine. Cette fois, je partagerai la scène avec elle, c’est un beau clin d’œil. Je boucle la boucle! »

Par la suite, elle répondra à l’appel de l’Europe qui se fait sentir, se promettant un séjour en Allemagne où elle se sent une parenté artistique. « Ils montent des œuvres moins courantes, beaucoup de répertoires qu’on ne fait pas nécessairement ici. Je tente en ce moment de trouver les fonds pour m’y rendre et passer des auditions. »

Son ancrage demeure tout de même à Montréal, qui est dorénavant sa maison. « Mon réseau est ici. Je vais poursuivre mon travail avec Ariane, et c’est certain que je reste en contact avec l’Atelier. Pour le reste, je suis ouverte à ce qui se présentera sur ma route! »

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