Accessibilité universelle : une première représentation adaptée pour l’Opéra de Montréal

Mode de vie

Par Équipe de philanthropie

13 juin 2024

Texte : Véronique Gauthier

Dans l’objectif de poursuivre sa mission d’inclusion et d’accessibilité, l’Opéra de Montréal a ouvert ses portes le 14 mai dernier à un public non voyant et semi-voyant lors d’une représentation de La Traviata adaptée expressément pour lui. Pour cette première canadienne, tout a été pensé et aménagé dans les moindres détails afin de permettre aux participants et participantes de vivre de manière totale l’expérience de l’opéra. 

À l’origine de ce projet novateur : la passion et le dévouement de Charlotte Gagnon, gestionnaire, action sociale et éducation. Récit d’une initiative qui a fait le bonheur de bien des mélomanes !

Emboîter le pas à l’Europe

Dès son entrée en poste à l’Opéra de Montréal en 2022, Charlotte Gagnon s’implique dans un comité créé par Érika Malot du Théâtre du Rideau Vert qui se dévoue à l’accessibilité universelle des arts vivants. Qu’est-ce que l’accessibilité universelle ? « C’est un principe qui vise à accepter tout le monde dans toutes les formes d’œuvres culturelles », explique Charlotte. « Pas seulement en disant “vous êtes les bienvenus”, mais en faisant en sorte que les personnes vivant avec un handicap ou une limitation fonctionnelle puissent vivre une expérience intéressante qui répond à leurs besoins et qui est totale. »

Inspirée des apprentissages partagés à travers le comité, Charlotte met en branle à l’automne 2023 son projet pour La Traviata. Si le concept est déjà bien implanté sur la scène lyrique en Europe, il en est à ses balbutiements au Canada. Désormais, l’Opéra de Montréal peut se targuer d’être la première maison d’opéra au pays à offrir une représentation adaptée à un public non voyant et semi-voyant ! 

Aucun détail laissé au hasard

Une dizaine de participants et participantes ainsi que leurs accompagnateurs respectifs se sont joints au projet pilote. Programme disponible en version audio, visite tactile, théâtrodescription : absolument tout a été élaboré avec le souci de fournir les mêmes informations et la même expérience qu’à un public voyant. 

« C’était très stimulant de revoir des choses qu’on prenait pour acquis, comme les affiches, le programme, les billets, le transport, en se mettant dans la peau du public cible. Autant ça permet de nous développer, autant ça nous met face à nos propres limitations. On se veut accessible, mais l’est-on vraiment ? C’est l’exercice qu’on a fait, et c’est fascinant », explique Charlotte. 

La visite tactile : visualiser les lieux et les objets

Comme première étape, les participants et participantes étaient invités le jour de la représentation à rejoindre Béatrice Beaudin-Caillé, coordonnatrice au département action sociale et éducation, ainsi qu’une horde de bénévoles pour une visite tactile. Au programme : mise en contexte de l’action théâtrale, description du décor acte par acte puis parcours des lieux.

« L’objectif de la visite tactile est de permettre une bonne visualisation des décors et des costumes. Les personnes non voyantes vont souvent concevoir l’espace en touchant ce qu’il y a autour d’eux. Elles ont besoin d’habiter l’espace de manière tactile et de s’y promener pour en comprendre les dimensions. »

Fleurs, chandeliers, masques, bouteilles et autres accessoires qui se retrouveront sur scène accueillent d’abord les participants et participantes dans une salle de la régie. Ici, la manipulation est la bienvenue ! La visite se poursuit jusque sur la scène Wilfrid-Pelletier, où les gens sont invités à déambuler dans le décor du 1er acte de l’opéra. Trois stations les attendent sur les planches et des bénévoles les guident dans leur exploration.

« Le récamier est en velours rouge bourgogne », « La coiffeuse est située juste à côté d’un grand escalier qui mène à l’étage » et « La robe ici est de style Charleston avec des paillettes » sont des exemples des descriptions fournies aux différents arrêts. Touché des matériaux, exclamations, souvenirs, questions : l’attention est soutenue et l’enthousiasme, contagieux. 

Théâtrodescription : vivre l’action en temps réel

Après ce moment privilégié dans l’envers du décor (ou littéralement dans le décor !), l’expérience se poursuit pendant la représentation.

« Quand on considère que l’opéra est un art total dont la mission première est de raconter une histoire, on ne peut pas ignorer l’importance de la dimension théâtrale. Dans ce sens-là, entendre la musique ne suffit pas pour les personnes non voyantes. Leur raconter l’action devient essentiel », avance Charlotte.

C’est Connec-T, qui propose un service clé en main de théâtrodescription et d’audiodescription pour les arts vivants, qui permet au public du jour de ne rien manquer du drame. À l’aide d’écouteurs et d’une application téléchargée sur leur téléphone, les personnes non voyantes ont eu accès aux commentaires en temps réel d’une théâtrodescriptrice qui assiste également au spectacle.

« Ça peut être des déplacements, des émotions transmises par le non verbal d’un personnage ou des changements de décor, bref, toutes les clés visuelles dont on a besoin pour bien suivre l’histoire. » 

Une étape importante pour l’accessibilité et l’inclusion

De tels projets nécessitent beaucoup de moyens et demandent la coordination de plusieurs départements. Mais la gestionnaire est confiante : ils rejoignent les valeurs profondes de la communauté de donateurs et donatrices de l’Opéra de Montréal, qui n’a pas hésité à se mobiliser autour de ce projet pilote qui a remporté un franc succès. 

« On se positionne déjà très bien dans nos actions sociales et éducatives en allant à la rencontre de la communauté hors les murs. Ce qu’on souhaite aussi, c’est que tout le monde puisse goûter l’opéra dans sa forme entière, en salle. On peut tous et toutes devenir des alliés et donner accès à l’émerveillement que procure l’opéra au plus grand nombre possible, sans que les limitations physiques ne soient un obstacle. »

Voilà pourquoi l’Opéra de Montréal a entamé une étude de faisabilité visant la pérennisation de ce type d’initiative. L’objectif est d’être en mesure de réitérer l’expérience pour toutes les productions à venir. Cette nouvelle étape est bien sûr envisagée de concert avec toute la communauté philanthropique. Pour Charlotte, « l’art est essentiel à une vie où il y a un minimum de joie. Il s’agit maintenant de voir comment on peut répondre aux besoins de tout le monde dans un écosystème comme l’opéra. »

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