Sieger Roorda : l'importance de la préparation mentale à la performance

Mode de vie

Par Communications et marketing

20 novembre 2023

Sieger Roorda, consultant en performance mentale

Texte : Véronique Gauthier

Photos : Marianne Charland

C’est quelque chose qu’on entend régulièrement dans le domaine lyrique: «Le chant classique, c’est les Olympiques de la voix.» Tout comme une performance sportive de haut niveau, se produire sur scène nécessite un entraînement rigoureux de son instrument, mais également une solide préparation mentale.

La plupart des équipes sportives sont accompagnées par un coach en préparation mentale. En musique, une telle pratique demeure encore quelque peu marginale, bien qu’elle soit de plus en plus (heureusement!) répandue. À l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, les jeunes artistes ont la chance de pouvoir compter sur l’expertise du consultant Sieger Roorda pour les guider et les aider à développer des outils tout au long de leur parcours.

Un violoncelliste en kayak

Né en Hollande, puis élevé à Montréal, Sieger côtoie les univers du sport et de la musique dès son plus jeune âge. Fils d’une violoniste professionnelle, il grandit accompagné de musique. Pendant 20 ans, il joue du violoncelle, notamment dans les orchestres de jeunes, ainsi que de la guitare au sein d’un groupe avec qui il sillonne le Canada.

Parallèlement aux arts, il pratique le soccer, le basketball, la natation et le plongeon avant de se prendre de passion pour le canot-kayak à l’âge de 15 ans. Rapidement, il s’investit à fond dans ce sport, s’entraînant six fois par semaine et adoptant un mode de vie qui l’attire depuis longtemps, celui d’athlète. «C’est vraiment dans le monde du sport que j’ai développé un intérêt pour l’entraînement mental. J’avais de la facilité pour ça, et j’ai tout de suite su que je voulais devenir coach pour pouvoir aider les autres.»

Un livre qui change tout

C’est au moment où il plonge dans le livre In Pursuit of Excellence de Terry Orlick, que lui prête un entraîneur, que le jeune kayakiste trouve sa voie. « C’est Terry Orlick qui a parlé le premier de psychologie sportive au Canada et même en Amérique du Nord, dans les années 80. Il est très connu dans le domaine et j’ai eu la chance de le rencontrer. C’est grâce à lui que j’ai poursuivi mes études.»

À partir de l’âge d’environ 16 ans, il persévère dans le sport tout en ayant la conviction qu’il se dirigera en psychologie. «J’ai voulu prendre de l’expérience et m’exposer le plus longtemps possible à la réalité d’un athlète pour apprendre tout ce que je pouvais.» Après un baccalauréat en psychologie à Montréal, il entreprend une maîtrise en sciences de l’activité physique à Ottawa où il se spécialise en performance mentale.

« Même si c’était très orienté sur le sport, mon travail est applicable dans n’importe quel domaine relié à la performance. Et j’ai toujours su que j’aimerais aussi travailler auprès de musiciens et musiciennes.»

La pression du moment parfait

À l’instar des athlètes olympiques, la réalité des chanteurs et des chanteuses lyriques consiste à travailler de manière ardue pendant des mois dans l’objectif de performer un soir ou même pendant quelques minutes seulement. Une énorme pression s’exerce donc sur ce seul moment dans lequel tous les fruits d’un travail de longue haleine doivent se cristalliser.

«Les dangers de minimiser la préparation mentale sont les performances décevantes, ou ce qu’on appelle aussi le choking. On sent alors qu’on n’a pas été en mesure de montrer la meilleure version de nous-mêmes. Le risque est alors de se décevoir ou de décevoir les autres, parce qu’on sait qu’on aurait pu faire mieux.»

La préparation mentale devient alors un incontournable, comme l’entraînement physique l’est pour un sportif. «On va s’entraîner au gym parce qu’on veut s’améliorer et être plus fort. C’est ce qu’on fait en préparation mentale avec notre cerveau. Comprendre comment se présenter dans une situation de manière confortable, confiante et offrir le meilleur de nous, ça demande du travail. Et c’est applicable ensuite dans toutes les sphères de notre vie.»

Un coffre à outils pour mieux performer

À l’Atelier lyrique, le travail de Sieger se fait au moyen de rencontres individuelles ainsi que d’ateliers de groupe à raison d’une fois par mois. «Très souvent, j’essaie d’apporter quelque chose de concret applicable à là où ils en sont dans leur cheminement et en lien avec ce qui s’en vient pour eux. En début d’année, j’expose des notions de manière un peu plus magistrale, mais plus ça avance, plus les ateliers deviennent collaboratifs. Je veux que les artistes se sentent confortables de partager entre eux, et que chaque personne soit investie dans son propre processus. Mon approche, c’est qu’on devient tous et toutes des pros de la performance, à un certain moment.»

Identifier ce que l'on peut contrôler

Un outil essentiel, c’est de bien distinguer ce qu’on peut contrôler. «On a souvent la perception que le stress est un élément négatif, alors qu’il est tout à fait normal d’en ressentir. Le stress nous permet de survivre. L’objectif n’est pas de l’éliminer ou de le fuir, mais plutôt de voir comment on peut avoir un certain contrôle sur son corps, arriver à abaisser son rythme cardiaque, se concentrer sur sa respiration, revenir vers une zone de performance optimale.»

Comprendre les origines de notre stress peut également avoir un effet calmant. «Si on sait pourquoi quelque chose se produit, on est mieux équipé pour le gérer par la suite. Si une personne ne sait pas pourquoi elle est stressée pendant une performance, mon objectif est d’essayer de cibler avec elle la cause. En identifiant la source du stress, on peut développer un plan pour mieux le gérer par la suite.»

Internaliser les fondements de notre confiance

Plus jeune, c’est souvent en se comparant aux autres qu’on se découvre un talent particulier. («Tiens, je pense que je suis bon ou bonne en chant, je vais continuer à prendre des cours.») C’est donc la comparaison qui devient notre référence pour bâtir notre confiance.

«Par contre, plus on se démarque, plus la compétition augmente, et notre confiance se fragilise puisqu’elle s’alimente seulement avec notre rapport aux autres», explique Sieger. «Il y a là un point de bascule. Il faut découvrir comment se comparer avec soi-même seulement. Se donner des objectifs pour s’améliorer et se concentrer sur sa propre progression pour internaliser notre confiance et ne pas dépendre du regard extérieur. C’est un autre élément que je travaille avec les artistes.»

La collaboration plutôt que la compétition

Dans son travail à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, le consultant apprécie justement particulièrement les liens qui se tissent entre les chanteurs et chanteuses, et l’absence de compétition dans la dynamique du programme. «En sport, il y a énormément de compétition à l’interne dans les équipes ou les clubs. Certains athlètes vont voir leurs coéquipiers comme des rivaux. Ici, ce n’est pas ce qui est encouragé, et je suis vraiment chanceux que les artistes saisissent la chance qu’ils et elles ont de se soutenir et de collaborer.»

Ça ne fait que commencer

S’imagine-t-il poursuivre cette aventure avec l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal dans le futur, lui qui a été accueilli dans l’équipe l’an dernier? «Absolument! C’est un bonheur de travailler avec des gens aussi motivés. C’est important pour moi de normaliser le processus de la préparation mentale à la performance, et j’ai vraiment été accueilli à bras ouverts. Dès mon arrivée, je me suis senti à la maison.»

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