Alain Gauthier: La Traviata transportée au cœur des années 20

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30 avril 2024

Il y a eu l’arrivée de la pandémie, au printemps 2020. Puis une nouvelle fermeture des salles à l’hiver 2022. Jamais deux sans trois: après deux annulations, voilà que La Traviata de Verdi s’apprête de nouveau à prendre d’assaut les planches de la salle Wilfrid-Pelletier, et cette fois-ci, les astres semblent bien alignés pour que ce soit la bonne. La patience du public sera enfin récompensée par une production qui s’annonce mémorable!

Une coproduction pancanadienne d’envergure

Il y a de ces classiques dont on ne se lasse jamais. L’histoire romantique et tragique de Violetta et de son Alfredo en est un. La version installée au cœur du Paris des années 20 concoctée par le metteur en scène Alain Gauthier et son équipe de conception cinq étoiles, toute en élégance, en raffinement et en finesse, ne fera pas exception et ravira le cœur du public.

Pour cette grande production qui termine sa tournée à Montréal, cinq maisons d’opéra canadiennes ont uni leurs forces: le Edmonton Opera, le Manitoba Opera, le Vancouver Opera, le Pacific Opera Victoria et l’Opéra de Montréal. En résulte une œuvre qui a le moyen de ses ambitions, où chaque détail est minutieusement exécuté et pour laquelle des concepteurs et conceptrices de grand talent des quatre coins du pays ont mis la main à la pâte. 

«On voulait que le fait que ce soit une coproduction pancanadienne se reflète dans toute l’équipe», raconte le metteur en scène. «Chaque maison d’opéra a proposé des collaborateurs et collaboratrices avec qui elle aimait travailler, ce qui m’a permis de découvrir plein de talents que je ne connaissais pas. Je suis très content, je me suis entouré d’une équipe de rêve!»

En témoigne notamment la présence de Christina Poddubiuk, une artiste complète et érudite, chargée à la fois de la conception des décors, des costumes et des accessoires. «Elle est très respectueuse de l’époque, mais aussi très imaginative. Elle a tout de suite compris où on s’en allait. Le décor est élaboré, il y a beaucoup de costumes et beaucoup d’éclat. Visuellement, c’est comme une fête pour le regard.»

La Traviata dans l’univers du music-hall

L’idée d’implanter le récit dans les années 20 naît d’abord d’un parallèle évoqué entre Violetta Valéry, héroïne de La Traviata, et Joséphine Baker, danseuse, chanteuse, vedette parisienne de music-hall et surtout, femme libre et forte. 

«Violetta n’est pas Joséphine Baker, mais on s’en inspire. C’est une femme qui a beaucoup d’amis, beaucoup d’admirateurs, beaucoup d’argent. Une femme d’affaires qui gère ses choses. C’est surtout frappant dans l’acte 2, lorsqu’on la retrouve dans la confrontation», explique Alain. «C’est une version qui demeure très fidèle à l’histoire originale et au parcours de l’héroïne. On n’a fait que déplacer l’époque pour la rapprocher un peu de nous. Ça reste somme toute une production assez classique, avec un petit accent années 20 qui apporte quelque chose de plus moderne au personnage.»

Des rôles principaux aux choristes: une toile de personnages bien tissée

Reconnu pour son amour du jeu — il a étudié en théâtre de l’UQÀM —, le metteur en scène prend un malin plaisir à creuser, décortiquer, faire des recherches et élaborer une description complète de tous les personnages présents sur scène, y compris ceux des membres du chœur. 

«J’ai un document d’une quinzaine de pages avec quarante biographies. J’ai donné un rôle à chacun et chacune des choristes. Pour cette production, je me suis inspiré de gens qui gravitaient à Paris à cette époque et qui auraient pu se retrouver à une première de Joséphine Baker. J’ai imaginé des relations amoureuses ou des conflits. Tous les choristes ont leur petite histoire.»

Cette préparation méticuleuse permet de donner des points de repère à chaque interprète par rapport aux autres choristes et aux autres personnages, facilitant ainsi les interactions et l’improvisation. «Il y a par exemple un médecin chercheur qui a inventé un test pour dépister la tuberculose, qui est ami avec le Docteur Grenvil, et une femme d’affaires impliquée dans un scandale financier, Martha Hanau. Il y a aussi un personnificateur féminin acrobate américain, Barbette, que j’imagine vouloir percer dans le milieu et parler à des producteurs qui se trouvent être d’autres choristes. Bref, je donne des pistes aux choristes et la situation prend vie toute seule!»

Et quel plaisir ensuite, pour le public, de voir cette fresque s’animer dans une interprétation inspirée, habillée de costumes variés aux détails ciselés!

De retour à la maison

Après avoir traversé le pays depuis 2018 avec sa Traviata, Alain Gauthier est heureux de pouvoir enfin la présenter à famille et amis, ici, à Montréal. «Je boucle la boucle, en quelque sorte. L’Opéra de Montréal, c’est mon alma mater. J’ai connu Michel Beaulac il y a 30 ans, alors que j’étais jeune stagiaire en mise en scène à l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal, puis il a été mon collègue quand je suis devenu directeur de scène à temps plein. C’est l’Opéra de Montréal qui m’a formé et accompagné.»

Alain a en effet d’abord exploré le côté technique de la production avant de se lancer à pieds joints dans son rêve. «J’ai décidé de laisser mon emploi stable pour me consacrer à la mise en scène lorsque j’ai commencé à me faire connaître aux États-Unis. Ça m’a fait peur, mais depuis, ça ne s’est pas arrêté, j’ai toujours travaillé. J’ai eu de beaux succès, on m’a offert de beaux plateaux, j’ai voyagé et j’ai relevé des défis. Je me sens très privilégié!» 

Un privilège qui le ramène aujourd’hui à la maison, dans sa famille artistique, pour présenter un vrai grand et bel opéra romantique.

Pour tomber sous le charme de cette production menée par des interprètes en or — dont Talise Trevigne qui revêt ses costumes de Violetta pour la seconde fois et James Westman, un «Germont-né» qui a endossé le rôle plus d’une centaine de fois —, procurez-vous vos billets juste ici

 

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